Les temps de l'histoire de Strasbourg

Strasbourg a connu une histoire singulière, entre Allemagne et France, avec une périodicité qui lui est propre.

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Proclamation de la république allemande le 10 novembre 1918

 

L’histoire de la ville de Strasbourg est indissociable de l’histoire d’Alsace et, plus largement de la vallée du Rhin. Elle s’inscrit également dans l’histoire de l’Europe, entre France et Allemagne, royaumes, empires ou républiques.

Les périodes décrites ci-dessous s’inscrivent dans une histoire politique. Mais l’histoire de Strasbourg, ce sont aussi la culture, la société, les religions, le commerce et l’artisanat… autant de domaines qui se jouent des coupures politiques.


De la fondation d’Argentorate à la ville épiscopale

Les origines de la ville sont liées à la présence de l’armée romaine qui s’établit sur une île, à proximité d’un passage sur le Rhin. L’archéologie ainsi que quelques mentions dans les auteurs anciens permet de connaître ces premiers siècles. La première représentation (schématique) de la ville figure dans un document exceptionnel : la Notitia dignitatum, liste dressée vers 410-425 des offices publics romains.

Vers 590, Grégoire de Tours révèle le nom ancien de la cité : Argentoratum, appelée désormais Stradeburgum : Strasbourg.

Le premier évêque de Strasbourg, Amand, vit autour de l’année 346. Ses successeurs deviennent les chefs de la ville. Après la dislocation de l’empire carolingien, ce pouvoir se renforce et l’empereur Otton Ier accorde en 982 la pleine juridiction sur la ville et sa banlieue à l’évêque qui possède également l’atelier monétaire depuis 873.


La ville épiscopale, 982 à 1262

La ville s’agrandit et les nouvelles habitations débordent des murailles héritées de l’Empire romain. Des églises sont construites : Saint-Thomas, Saint-Pierre-le-Vieux et Saint-Pierre-le-Jeune ; la cathédrale est reconstruite à partir de la seconde moitié du XIIe siècle, des couvent sont fondés, les métiers se développent.

Un statut municipal est mis par écrit vers 1146-1147 ; les habitants sont associés à la gestion des affaires publiques ainsi qu’à la défense de la ville. Mais les bourgeois revendiquent de plus en plus d’autonomie. Face à l’évêque Walter de Geroldseck qui cherche à les maintenir sous son autorité, les Strasbourgeois se rebellent et entrent en guerre en 1261. Le 8 mars 1262, les troupes de l’évêque sont battues à plate couture à Hausbergen. En 1263, son successeur reconnaît l’autonomie des bourgeois.


La ville libre d’Empire, 1262 à 1681

Désormais autonome de tout pouvoir, la ville de Strasbourg joue de sa position stratégique et de sa richesse financière pour devenir l’une des principales puissances politiques dans la région du Rhin Supérieur. Le titre de "ville libre d’Empire" qui consacre son indépendance ne lui est cependant concédé que sous l’empereur Charles IV qui consacre ainsi un état de fait.

Mais cette puissance extérieure est régulièrement mise en cause par des troubles internes entre artisans et nobles. La lutte entre les familles Zorn et Müllenheim atteint son paroxysme en 1332 lors d’une rixe sanglante, le Geschölle, qui provoque une révolution civile : les artisans prennent le pouvoir. En 1349, à la suite de la grande peste, la communauté juive est massacrée. Au long des XVe et XVIe siècles, la ville doit se défendre contre les chevaliers brigands, le duc de Bourgogne, l’empereur lui-même. Jacques Sturm mène un jeu diplomatique dans un Empire secoué par des forces qui le déchirent.

Après la guerre de Trente Ans, Strasbourg fait face à la politique hégémonique du roi de France qui finit par la soumettre en 1681.


La ville de la Réforme, 1524 à 1681

Dès 1521, les thèses de Martin Luther sont connues, publiées et prêchées en Alsace, notamment à Strasbourg par le curé de la cathédrale, Matthieu Zell. En 1524, l’ancien monde bascule : après une courte vague d’iconoclasme, les premiers cultes en langue vulgaire sont célébrés ainsi que les premiers mariages de clercs ; le Magistrat de la ville nomme désormais des pasteurs. Capiton, Bucer, Hédion s’installent en ville et y occupent des fonctions de prédicateurs. La dernière étape est franchie en 1529 : la messe latine est interdite. Des textes normatifs sont publiés pour encadrer la société. Les affaires religieuses sont désormais traitées par le convent ecclésiastique, sous l’autorité du Magistrat.

La défaite du parti protestant (auquel adhère Strasbourg) dans sa lutte contre l’empereur (resté catholique) Charles Quint en 1547 ne brise pas le mouvement.

En 1538, la ville fonde le Gymnase transformé, en 1566, en Académie, laquelle devient en 1621 l’université de plein régime. La ville s’est dotée d’instruments de formation de la jeunesse.

Malgré la soumission au roi de France et le retour des Catholiques à Strasbourg, le rayonnement de la ville comme bastion de la Réforme se prolonge au long du XVIIIe siècle et à l’époque contemporaine.


La ville royale, 1681 à 1789

Le 30 septembre 1681, la ville doit signer une capitulation par laquelle elle reconnaît le roi de France comme son souverain seigneur. La cathédrale est rendue au culte catholique ; une garnison royale est installée dans ses murs et à ses frais. Le pouvoir municipal est soumis à la surveillance d’un préteur royal (du latin praetor) qui le surveille et le dirige. Le catholicisme est réintroduit avec la règle de l’alternative : à un Protestant doit succéder un Catholique dans toute fonction publique.

C’est aussi l’irruption d’un style et d’un art de vivre inspiré de Versailles et de Paris. Le cardinal Armand-Gaston de Rohan, évêque à partir de 1706, construit un palais dans la cité ; plusieurs princes résident à Strasbourg dont l’université attire la noblesse européenne.

Strasbourg est aussi la porte du royaume face à l’Empire : les futures dauphines (Marie-Josèphe de Saxe, Marie-Antoinette) y passent lors de leur mariage, ainsi que Louis XV en 1744 lors de la guerre de Succession d’Autriche.


D’un régime à l’autre, 1789 à 1870

Dès 1789, les anciennes institutions sont remplacées par de nouvelles définies au niveau national. Un maire et un conseil municipal dirigent les affaires publiques. Mais les anciennes fondations sont maintenues : Œuvre Notre-Dame, Hospices civils. Après les soubresauts de la Révolution et la réorganisation de l’époque napoléonienne, le XIXe siècle fait de Strasbourg un chef-lieu départemental qui reste ville de garnison et où arrive le chemin de fer depuis Paris en 1852. Le pont sur le Rhin est reconstruit sous le Second Empire. C’est une époque où dominent les notables qui vont, à l’occasion, prendre les eaux à Baden-Baden tout en étant attentifs aux évènements parisiens.


Strasbourg, capitale du Reichsland, 1871 à 1918

La défaite de l’Empire français face au nouvel Empire allemand marque un changement de nomination sur l’Alsace par le traité de Francfort (10 mai 1871). Strasbourg avait subi un siège pendant près de cinquante jours et des bombardements qui la laissent profondément meurtrie. La période qui suit marque un véritable renouveau de la cité, reconstruite, embellie et considérablement agrandie.

Devenue capitale du Reichsland Elsass-Lothringen, Strasbourg joue le rôle d’une métropole régionale où la présence de l’armée reste très forte. L’université reconstituée est brillante. Point d’orgue de cette époque, l’exposition industrielle de 1895 à l’Orangerie donne l’image d’une société sereine et prospère, moderne et attachée à son identité.


Le retour à la France, 1918 à 1940

Après quatre années de guerre durant lesquelles Strasbourg est à l’arrière du front et un symbole pour les deux belligérants, les troupes françaises entrent dans la ville le 22 novembre 1918. La tentative de république de soviets avait fait long feu.

Mais après l’euphorie de la victoire, l’expulsion des Vieux Allemands, la mise en place de l’administration française en Alsace, les questions liées au maintien du droit local (dans le domaine social, artisanal, religieux, scolaire) et la question linguistique créent une atmosphère de méfiance.

La nouvelle université inaugurée en novembre 1919 reprend le flambeau et Strasbourg, à nouveau tête de pont de la France face à l’Allemagne, accueille la Commission centrale pour la navigation du Rhin, installée dans l’ancien palais impérial. Un nouveau port est creusé mais les travaux d’urbanisme sont ralentis avec la crise de 1930.


L’Annexion de fait, 1940 à 1944

Dès la déclaration de la guerre, Strasbourg et une bande frontalière de 20 km de profondeur sont évacuées dans le Sud-Ouest et le centre de la France. C’est une ville vidée de ses habitants qui est occupée par les troupes allemandes. Après le retour d’une partie des Strasbourgeois, la vie quotidienne est marquée par l’embrigadement de toutes les strates de la société et la surveillance politique à outrance. En 1942, les jeunes gens et les jeunes filles sont soumis à la conscription dans la Wehrmacht (pour les hommes) et dans les services annexes (pour les femmes) : les Malgré-Nous.

La cathédrale de Strasbourg devient rapidement le symbole de la libération du territoire dans le serment prononcé par le futur général Leclerc à Koufra. Le 23 novembre 1944, la ville, qui a subi plusieurs bombardements, est libérée, mais les opérations militaires se poursuivent en Alsace durant l’hiver 1944-1945.


Strasbourg, capitale de l’Europe, depuis 1949

En 1949, le premier conseil de l’Europe se tient à Strasbourg, ville prédestinée dans l’esprit des initiateurs de cette organisation transnationale, à devenir la capitale de l’Europe naguère scindée entre France et Allemagne. Depuis, le Parlement européen s’est installé sur les bords de l’Ill ainsi que d’autres institutions européennes : la Cour européenne des droits de l’homme, la chaîne Arte, l’Eurocorps, l’Assemblée des régions d’Europe, la Pharmacopée, le Système d’information Schengen, le Médiateur européen…