Documents du mois


Campagne de vaccination contre la variole en 1811

Avis du maire de Strasbourg, avril 1811 (269 MW 195). 

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La variole ou petite vérole : une maladie très contagieuse, souvent mortelle, surtout chez les enfants. Elle touche 95 % de la population française au XVIIIe siècle. Dans les années 1790, l’anglais Jenner trouve une technique efficace : la vaccination à partir de la vache infectée. Introduite en France en 1799, cette méthode n’est pas sans susciter des débats. En 1805, une circulaire explicative instituant l’usage de la vaccine est adressée à tous les préfets, mais elle ne peut être appliquée faute de finances. Il faut attendre un décret en 1810 qui proroge la circulaire et instaure une allocation annuelle par département, et surtout la décision de Napoléon Ier de faire vacciner son fils, le roi de Rome, en 1811.

La Ville de Strasbourg propose la vaccination gratuitement à tous les enfants, notamment aux nourrissons âgés de six mois. Elle est effectuée par les médecins cantonaux et le bureau de police de la Ville en assure le suivi : listes nominatives des enfants vaccinés, états numériques adressés au Préfet entre 1811 et 1832 (269 MW 195-199). Les autorités font néanmoins face à des « personnes aveuglées, prévenues ou instiguées, qui ne veulent point faire vacciner leurs enfants, et qui par là, non seulement atténuent les efforts du Gouvernement pour détruire la petite vérole en France, mais se mettent en guerre avec la société, et par leur résistance aussi irréfléchie que coupable, peuvent rendre toute une commune victime de la contagion », si bien que le maire se voit dans l’obligation d’isoler les malades et d’inscrire dans un registre les « noms et qualités de ces parents indociles » (avis du maire de Strasbourg en avril 1811, 269 MW 195).

 

Transcription du document

Arrêté de l'Hôtel de Ville, avril 1811 pour être publié par l'insertion dans les afiches : 

"Malgré les avis qui ont été répandus et les sciences que l’expérience a obtenus, il est encore des personnes, aveuglées, prévenues ou instiguées, qui ne veulent point faire vacciner leurs enfants, et qui par là, non seulement atténuent les efforts du Gouvernement pour détruire la petite vérole en France, mais se mettent en guerre avec la société, et par leur résistance, aussi irréfléchie que coupable, peuvent rendre toute une commune victime de la contagion. Les considérations particulières cédes à l’intérêt général, M. le P[réfet] vient d’ordonner que là où un enfant non vacciné viendrait à prendre la petite vérole, la maison sera de suite séquestrée, toutes les communications au dehors et toute entrée de lieu publics quels qu’ils soient, interdites à ceux qui l’habitent ; et j’ai l’ordre de luis adresser aussitôt les noms et qualités de ces parents indociles, pour être inscrits sur les registres signalétiques dont la communication est donnée à S. Exc. le M. de la Police générale. Il en coûtait au Magistrat d’en venir à ces mesures rigoureuses ; et j’espère encore qu’elles ne seront jamais appliquées dans la Ville de Strasbourg, dont les habitants sont connus pour le zèle, les manières et l’esprit public." 

* * * *

Réponse du Maire de Strasbourg au Préfet, le 23 avril 1811. 

"M. le P. [réfet],

Aussitôt la réception de votre circulaire du 18 de ce mois insérée dans les actes de la Préf.[ecture], p. 191, j’ai rédigé un avis tendant à faire connaître aux habitants les mesures et rigueurs que vous avez ordonnés, et à leur rappeler l’utilité et le devoir de la vaccination de tous les enfants. J’en attends les plus heureux effets, quoique dans la ville, les préjugés soient moins opiniâtres, et qu’on y ait donné l’exemple d’une méthode qui détruira enfin la petite vérole en prime. De mon côté, j’avais aussi pris cet objet dans la plus sérieuse considération ; et j’ai, déjà depuis plusieurs mois, prescrit à l’état civil, de faire signer aux parents des nouveaux-nés l’engagement de vacciner leur enfant dans les six mois, et d’en justifier par un certificat du médecin vaccinateur. Le jour expiré, sans production du certificat, je prendrai les mesures convenables. Un registre spécial tenu pour cet objet, empêche qui que ce soit d’échapper à l’obligation ou à mes poursuites. 

Je suis avec respect, …."