Assiégeants et assiégés

Le siège de Strasbourg, du 13 août au 27 septembre 1870, a été vécu de manière très variée par les assiégeants et les Strasbourgeois enfermés derrrière les murs de la ville.

Les assiégeants

La candidature au trône d'Espagne du prince allemand Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen et l’affaire de la dépêche de Bad-Ems conduisent la France à déclarer la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870.

Les 4 et 6 août ont lieu les batailles de Wissembourg et de Woerth-Frœschwiller qui se soldent par deux défaites françaises. Des débris de l’armée du maréchal de Mac-Mahon se réfugient dans Strasbourg qui est mis en état de siège le 7, malgré une impréparation totale et une garnison insuffisante.

Le 13 août, les troupes badoises commencent l’investissement de la place et tirent les premiers obus sur la ville. Le lendemain, le lieutenant général August von Werder prend la tête des troupes assiégeante. Il décide de procéder à un bombardement massif de la ville pour faire pression sur la population afin qu’elle pousse le général Uhrich à se rendre.

L’arrivée de l’artillerie de siège, le 23 août, lui donne les moyens d’exécuter son plan. Mais après quatre jours de bombardement à outrance et malgré d’importants dégâts, la ville ne se rend pas.

Face à cet échec, Werder n’a d’autre choix que de commencer le siège en règle de la ville. Il concentre son feu sur les faubourgs nord-ouest (Faubourg de Pierre, Faubourg de Saverne, Faubourg National) et entame à partir du 29 août les travaux d’approche. Le 24 septembre, l’artillerie assiégeante, qui s’est approchée des murs, ouvre deux brèches dans le rempart près de la porte de Pierre. Le 28 septembre, les brèches sont praticables et Werder envisage de donner l’assaut final. C’est alors que la ville hisse le drapeau blanc sur la cathédrale, la résistance semblant désormais inutile.

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Les assiégés

Le 21 juillet 1870, le général Jean-Alexis Uhrich prend la tête de la 6e division militaire dont dépend la place forte de Strasbourg. Dès son arrivée, il mesure l’état d’impréparation de la place : l’artillerie dont il dispose est trop peu nombreuse et obsolète. Avec l’investissement de la place, il réalise qu’avec une garnison d’à peine 10 000 hommes il ne peut rien entreprendre contre les 60 000 prussiens qui assiègent la ville. Cependant, cette infériorité numérique et technique n’empêche pas la garnison de faire quelques sorties.

La population prête main-forte à la garnison. Des compagnies de francs-tireurs se constituent. Dans la ville, les habitants des quartiers sinistrés s’organisent pour lutter contre les incendies. Des ambulances prennent soin des blessés, des cantines populaires nourrissent les soldats et les sinistrés sans abri.

Coupée du monde, terrée dans les caves et des abris de fortune, la population se nourrit de rumeurs et de faux espoirs de victoires françaises et d’armées en route pour libérer Strasbourg. Mais le 11 septembre, la délégation suisse apprend aux Strasbourgeois la défaite de Sedan, la chute de Napoléon III et la proclamation de la République à Paris, mais aussi la décision de Gambetta de continuer la guerre. Uhrich décide alors de tenir le plus longtemps possible. Mais face à l’imminence de l’assaut, le 28 septembre, il décide de capituler au terme de 46 jours de siège.

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L'intervention suisse à Strasbourg

Durant le siège, la Confédération suisse nomme une délégation composée de représentants des villes de Bâle, de Zurich et de Berne afin d’obtenir de la part de Werder l’autorisation d’évacuer pour la Suisse une partie de la population de Strasbourg.

Les délégués suisses arrivent au quartier général de Werder dans la soirée du 10 septembre. Le 11 septembre, ils entrent dans la ville où ils sont accueillis par le conseil municipal et par la population. Le 15 septembre, un premier convoi de 500 réfugiés quitte Strasbourg pour la Suisse, suivi de trois autres convois les 17, 19 et 22 septembre, plus de 2000 personnes quittent ainsi la ville encore assiégée.

Le récit de la délégation fournit un témoignage fidèle de la situation de la ville sous le feu de l’assiégeant. L’expédition humanitaire est aussi l’une des premières grandes opérations de ce type menée pendant un conflit et sur un champ de bataille. L’évacuation des civils et leur hébergement en Suisse se doublent d’une aide en argent et en nature à destination des Strasbourgeois et d’autres populations françaises.

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Chronologie du siège

1870

21 juin : Candidature au trône d'Espagne, vacant depuis 1868, du prince allemand Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen, cousin du roi Guillaume Ier de Prusse. Le risque d'une alliance prusso-espagnole fait réagir Napoléon III.

6 juillet : Le duc de Gramont, ministre des Affaires étrangères, annonce que la France s'oppose à cette candidature.

12 juillet : Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen retire sa candidature. Mais les députés français veulent du roi de Prusse une déclaration officielle qu'il n'y aura plus de candidature Hohenzollern au trône d'Espagne. Benedetti, ambassadeur de France auprès de Guillaume Ier, alors en cure à Bad Ems, lui demande de se prononcer en ce sens, ce que refuse ce dernier. Après deux audiences, le roi agacé refuse de le recevoir à nouveau en déclarant qu’il « n'a plus rien d'autre à dire à l'ambassadeur ».

13 Juillet, Dépêche d’Ems : Le chancelierBismarck exploite cet évènement pour provoquer la France. Il dénature le télégramme que lui a envoyé le roi de Bad Ems en le condensant de sorte à faire paraitre insultant le renvoi de l'ambassadeur. Cette dépêche rendue publique indigne le peuple de Paris qui, rejoint par une presse à l’unisson, descend dans la rue et pousse à la guerre.

19 Juillet : La France déclare la guerre à la Prusse, Napoléon III, pacifiste mais malade, laisse faire. Les États allemands prennent alors parti pour la Prusse qui paraît agressée.

21 Juillet : Arrivée du général Uhrich à Strasbourg.

28 juillet : Napoléon III, accompagné du prince impérial âgé de 14 ans, se rend à Metz pour prendre la tête de l'armée.

2 août : Combats de Sarrebruck.

4 août : Bataille de Wissembourg. Première bataille qui se solde par la retraite des troupes françaises du maréchal de Mac-Mahon devant les troupes prussiennes du Kronprinz.

6 août : Bataille de Frœschwiller-Wœrth. La IIIe armée allemande du Kronprinz de Prusse met en déroute les troupes françaises du Maréchal de Mac-Mahon. Charges de Reichshoffen : charges vaines des cuirassiers français sur les villages de Morsbronn et d’Elsasshausen. Bataille de Forbach-Spicheren. La division du général Frossard est écrasée, à cause de l'inaction du maréchal Bazaine.

7 août : arrivée des débris de l’armée de Mac-Mahon à Strasbourg. La ville est mise en état de siège. Les troupes allemandes atteignent Brumath

8 août : Les troupes allemandes poussent jusqu’à Souffelweyersheim. Un officier allemand se présente à la porte de Saverne et demande la reddition de la ville, refus d’Uhrich. La voie ferrée et le télégraphe à Geispolsheim sont détruits.

12 août : Napoléon III, malade, laisse le maréchal Bazaine prendre la tête de l'armée. Les moyens de communication sont coupés.

13 août : Début de l’investissement de la place de Strasbourg, les troupes badoises commencent à occuper les alentours de la ville. Un premier obus est tiré sur la ville, faubourg de Saverne.

14 août : Combats indécis de l'armée du maréchal Bazaine à Borny-Colombey. Les Allemands mettent le siège devant Toul. De nouveaux tirs d’artillerie sur Strasbourg font une première victime. Werder arrivé sur place, installe sont quartier général à Mundolsheim.

15 août : Les Badois font sauter le pont sur le canal de la Marne au Rhin à la Robertsau. Nouveaux bombardements de la Ville durant la nuit faisant de nombreux dégâts.

16 août : Bataille de Mars-la-Tour en Moselle. Les restes de l'armée du maréchal de Mac-Mahon se replient sur Chalons-sur-Marne. Combats indécis à Gravelotte, où le Maréchal Bazaine, à la tête de 2 armées aurait pu faire capituler une armée allemande isolée. A Strasbourg, une sortie fait une reconnaissance en direction d’Illkirch où elle est attaquée par les Badois, le colonel Fiévet qui la commande est mortellement blessé.

17 août : sortie contre le bon pasteur, les canons de la citadelle détruisent le couvent.

18 août : Bataille de Saint-Privat au nord-ouest de Metz, les troupes du maréchal Bazaine subissent une défaite qui lui retire toute possibilité de sortir de Metz. La garnison de Strasbourg incendie les bâtiments de Schiltigheim situés trop près des fortifications et abattent les arbres du cimetière Sainte-Hélène. Le soir, reprise du bombardement de la ville qui déclenche notamment un important incendie dans le faubourg national.

19 août : Bombardement de la Citadelle par les batteries de Kehl et réplique de celle-ci sur Kehl qui brûle.

20 août : Début du siège de Metz par la IIde armée prussienne.

21 août : le jardin botanique est converti en cimetière provisoire.

23 août : Début du bombardement massif de la ville par l’artillerie de siège prussienne venue renforcer l’artillerie de campagne badoise. Werder entame le bombardement à outrance de la ville pour démoraliser la population et pousser la place à la capitulation.

24 août : Sortie de la garnison et combats autour des rotondes sous le commandement du colonel Blot pour détruire les batteries de sièges, l’attaque est repoussée. Reprise du bombardement à 20 h., celui-ci déclenche de nombreux incendies. Le musée des beaux-arts situé à l’Aubette, L’église du temple neuf dont le chœur abrite la bibliothèque et de nombreux immeubles sont détruits.

25 août : Le maréchal de Mac-Mahon accompagné de Napoléon III passe à l'offensive avec 120 000 soldats pour tenter de percer les troupes prussiennes et dégager le maréchal Bazaine de Metz. Il doit cependant prendre la direction de Sedan, car la route directe est barrée par les armées prussiennes. Le toit de la Cathédrale brûle, la gare est incendiée.

27 août : incendie du palais de justice. Décision de Werder de commencer les travaux de siège, le bombardement massif de la population n’ayant pas conduit à la capitulation de la place.

29 août : instauration de la commission municipale. Le bombardement se concentre à présent sur les remparts et les faubourgs ouest, ouverture de la première parallèle. Incendie de la gare.

30 août : Bataille de Beaumont un corps d'armée chargé de défendre le flanc de l'armée de Mac-Mahon est battu par l'armée du prince de Saxe. L'armée Mac-Mahon se retire sur la citadelle de Sedan.

31 août : Deux armées prussiennes, avec 240 000 hommes et 700 canons, sous les ordres des princes royaux de Prusse et de Saxe poursuivent les troupes françaises du maréchal de Mac-Mahon.

1er – 2 septembre : Bataille de Sedan : Dès le début des combats, le maréchal de Mac-Mahon est blessé. Après les combats de Bazeilles et du plateau de Floing, les troupes désorganisées se replient sur la citadelle de Sedan. Encerclées et sous le feu de l'artillerie allemande, Napoléon III fait hisser le drapeau blanc à 16h30. Le 2, l'empereur Napoléon III est fait prisonnier et emmené en captivité en Allemagne le lendemain. La garnison fait une sortie en direction des rotondes, lourds combats.

4 septembre : La République est proclamée  au balcon de l’hôtel de ville de Paris. Un gouvernement de la Défense nationale est constitué avec à sa tête le général Trochu. La seconde parallèle est en travaux.

6 septembre : La seconde parallèle est achevée.

8-9 septembre : destruction de la caserne Finkmatt. Achèvement de la première parallèle.

10 septembre : incendie du théatre. Lecture de la lettre des suisses du 7 septembre.

11 septembre : entrée de la délégation suisse par la porte nationale. Ces derniers confirment la défaite de Sedan et annonce la proclamation de la république à Paris.

12 septembre : Proclamation de la république à Strasbourg. seconde visite des délégués suisse, démission du Maire Humann. Ralliement d’Uhrich à la nouvelle république et au gouvernement de défense nationale. La troisième parallèle est achevée.

14 septembre : élection d’Emile Küss comme maire de Strasbourg. Démission du Baron Pron, préfet du Bas-Rhin.

15 septembre : sortie dans la matinée de la première colonne de 500 réfugiés pour la Suisse.  Un obus atteint la flèche de la cathédrale faisant pencher la croix à son sommet.  

16 septembre : La lunette 53 saute

17 septembre : Un second convoi de 568 émigrants quitte la ville pour la suisse.

19 septembre : La lunette 44, battue en brèche, est abandonnée

20 septembre : arrivée du préfet Valentin à Strasbourg. La préfecture brûle.

24 septembre : L’artillerie prussienne a fait deux brêches, l’une dans le bastion 11 et l’autre dans le bastion 12 de part et d’autre de la porte de pierre. Les lunettes 52, 53, 54 et 55 sont abandonnées, la lunette 53 est occupée par l’assiégeant.

27 septembre : A deux heures de l’après-midi, le directeur des fortifications indique à Uhrich que la brêche du bastion 11 est praticable et que l’assaut est imminent. A 5 heures du soir, le drapeau blanc flotte sur la cathédrale.

28 septembre, 2 heures du matin : la capitulation est signée à Koenigshoffen. 8h. les Troupes allemandes prennent possession des portes d’Austerlitz, Nationale et des Pêcheurs et de la citadelle, évacuées par la garnison. A 11 h., la Garnison sort de la ville et rends les armes.

29 septembre : Uhrich quitte Strasbourg

7 octobre : Gambetta quitte Paris en ballon pour tenter de réorganiser la défense à partir de la province.

27 octobre : Bazaine capitule à Metz.

8 décembre : La IIe armée allemande bat la première armée de la Loire à Orléans. Puis le 11 janvier 1871, elle défait la deuxième armée de la Loire au Mans. L'armée de la Loire se replie derrière la Mayenne.

1871

Janvier : Au nord, le général Faidherbe après les batailles de l'Hallue, Bapaume et Saint-Quentin bat en retraite à l'abri des places fortes de Cambrai et Lille. Son action permet au Nord-Pas-de-Calais de ne pas être envahi.

18 janvier : Bismarck et les dignitaires allemands de la Confédération de l'Allemagne du Nord, réunis dans la Galerie des Glaces du château de Versailles, proclament l'Empire allemand. Le roi de Prusse, Guillaume Ier, devient empereur allemand.

28 janvier : Paris capitule. Un premier armistice est signé mais ne concerne pas les opérations dans l’est.

1er février : Après avoir échoué dans sa tentative de libérer Belfort assiégée, l’armée de Bourbaki, encerclée par les Allemands, se réfugie en Suisse.

15 février : Armistice général

18 février : La place de Belfort se rend avec les honneurs.

26 février : Le traité de paix préliminaire franco-allemand est signé à Versailles.

10 mai : Traité de paix de Francfort. La France doit céder à l’Empire allemand l’Alsace moins Belfort et une partie de la Lorraine et payer une indemnité de guerre de 5 milliards de francs or. Les troupes allemandes occupent une partie de la France jusqu'à ce que le total des indemnités soit versé en septembre 1873.

Bilan : Un tiers de la ville détruite, 1400 morts ou blessés, 10 000 sans abris.

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