1918 - De la révolution à la France

Après l'échec de l'offensive allemande du printemps 1918, la certitude de la défaite gagne les esprits en Allemagne. Après des premières négociations d'armistice avec les alliés, par l'entre-mise des Etats-Unis, l'amirauté allemande lance le projet fou d'une dernière grande bataille navale dans la manche contre la Royal Navy. En réaction, des mutineries éclatent dans la flotte, et en quelques jours la révolution des conseils gagne toute l'Allemagne, conduit à l'abdication de Guillaume et à la proclamation de Républiques dans les états allemands.

Après des jours de troubles et d'incertitude, les troupes françaises font leur entrée, à partir du 22 novembre, dans un Strasbourg en liesse suivies, le 9 décembre, des autorités civiles de la République.

La « révolution » de novembre 1918

Après les défaites de l’armée allemande de l’été 1918, l’incapacité de l’état-major à gagner la guerre est flagrante tout comme l’épuisement de la population après quatre années d’une guerre d’usure marquée par les privations.


Début novembre 1918, la mutinerie de la marine puis de l’armée impériale, précipite l’écroulement du régime impérial et conduit à l’abdication de Guillaume II le 9 novembre. Un peu partout, des comités révolutionnaires se réunissent, associant sur le modèle bolchévique soldats et ouvriers, et proclament des républiques dans les Etats allemands.


Démobilisés, les 15 000 marins alsaciens-lorrains propagent la révolution dans le Reichsland. Le mouvement gagne Strasbourg le 10 novembre où depuis le mois d’octobre on se prépare à l’arrivée des Français. Le socialiste Jacques Peirotes, membre du conseil municipal et député au Reichstag est élu maire de Strasbourg. Le même jour le révolutionnaire Rebholtz proclame une république (d’inspiration bolchévique) place Kléber, et Peirotes fait de même devant la statue de Kléber, se plaçant dans une référence française.

Durant les jours qui suivent, les conseils de soldats et d’ouvriers se réunissent à l’Aubette, à la cour d’assises, au palais des fêtes, où les participants se lancent dans des discours enflammés sur la révolution, le socialisme ou le statut futur du Reichsland, mais leurs paroles sont peu suivies d’actes. Car les partisans de l’ordre, conscients du retour inéluctable à la France, jouent double jeu au sein des conseils dont ils font partie. Ils assurent la réalité du semblant de pouvoir civil et temporisent avec les révolutionnaires dans l‘attente de l’arrivée des troupes françaises. Le repli des dernières unités allemandes et l’arrivée des Français à partir du 21 novembre marquent la fin du mouvement, sans heurts.

Les témoins relatent tous une atmosphère d’excitation, d’attente et d’incertitude, de craintes de débordements (qui restent limités), et surtout une « immense pagaille ». Mais ces quelques jours marquent la mémoire collective. Pour autant, Strasbourg n’aura jamais été Saint-Pétersbourg ou Berlin, bien que le drapeau rouge ait été hissé sur la cathédrale le 13 novembre.

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L’entrée des Français

Conformément aux clauses de l’armistice du 11 novembre, l’armée française occupe le territoire du Reichsland, ce qui consacre de facto le retour des « provinces perdues » à la France.


Le 22 novembre à 9h., trois divisions de la 4e armée française, sous les ordres du général Gouraud font leur entrée solennelle dans la ville, toujours ceinturée par ses fortifications, par la porte de Schirmeck. Toutes les maisons et les rues de la ville sont pavoisées, tenues folkloriques et uniformes français de 1870 sont de sortie, la joie populaire est à son comble. Les Français sont accueillis par le comité de réception dirigé par Léon Ungemach, avec un groupe de notables francophiles. Le défilé passe par la place Kléber où les soldats rendent les honneurs au général des guerres de la Révolution, symbole de l’Alsace française. Le 25 novembre, c’est au tour du maréchal Pétain, puis le 29 le maréchal Foch et de l’état-major français de faire leur entrée dans Strasbourg.


Le 9 décembre, ce sont les autorités civiles qui arrivent en train : le président de la République Raymond Poincaré, le président du Conseil Georges Clemenceau, les présidents de la Chambre des députés et du Sénat. Depuis le perron de l’hôtel de ville, face à la foule en liesse, Raymond Poincaré, reprenant les manchettes de la presse alsacienne, lance sa fameuse affirmation : « le plébiscite est fait ! » Et les
autorités laïques de la République sont reçues à la cathédrale pour un Te Deum célébrant la victoire.

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Honneurs à l’armée française

Vivant dans une importante ville de garnison, les Strasbourgeois étaient habitués aux grands défilés militaires. À partir du 22 novembre 1918, la couleur des uniformes change, et les habitants voient arriver des troupes coloniales. L’enthousiasme qui accompagne l’entrée des régiments français est sincère et démonstratif. Les soldats français remplacent alors, dans les casernes et les lieux de convivialité, les troupes allemandes qui avaient laissé le souvenir de quatre années de dictature militaire.

L’armée parade sur la place Kléber, où la statue du général devient l’autel du culte francophile dans la ville. Le 14 juillet 1919, un monument aux morts éphémère, fait de bois et de toile, est érigé sur l’ancienne place impériale, devenue place de la République ; dans la perspective de l’avenue de la Paix, on dresse un arc de triomphe portant l’inscription « Gloire aux vainqueurs ! ».


La figure du soldat français à Strasbourg est mise à l’honneur avec le musée militaire ouvert par Fritz Kieffer. Celui-ci dispose d’une collection personnelle centrée sur les militaria antérieurs à 1870. Le musée parisien de l’armée offre à la Ville un ensemble d’armes anciennes qui rappelle le passé de l’arsenal
de l’ancienne ville libre.


Cette glorification de l’armée victorieuse ne laisse aucune place aux démobilisés alsaciens-lorrains ayant servis dans les troupes adverses, ni aux familles qui ont perdu un proche tombé sous l’uniforme allemand.

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