Echanger et produire le long du fleuve

Vue de Kehl, fin du XVIIIe siècle. Cabinet des estampes et des dessins, CES 77.998.0.3737. Photographie, Musées de Strasbourg, Mathieu Bertola

Depuis l’Antiquité, le Rhin est une route pour les hommes, les marchandises, les techniques et les idées entre l’Italie et la mer du Nord. La navigation et les foires commerciales ont généré une bonne part de la prospérité de Strasbourg et des villes rhénanes.

Naviguer sur le Rhin

Depuis l’Antiquité, le Rhin est une route pour les hommes, les marchandises, les techniques et les idées entre l’Italie et la mer du Nord. La navigation et les foires commerciales ont généré une bonne part de la prospérité de Strasbourg et des villes rhénanes.

La corporation de l’Ancre, formée en 1331, regroupe les bateliers et les constructeurs de bateaux. Assurant l’activité marchande sur le fleuve et ses affluents en Alsace à la hauteur de Strasbourg, elle joue un rôle de premier plan jusqu’au XVIIIe siècle. En raison d’un courant parfois violent, les barques ou les barges étaient adaptées à ces conditions : fonds plats, possibilité de halage, rames associées aux voiles.

En 1815, le Congrès de Vienne crée la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR), la plus ancienne organisation européenne. Elle a son siège dans le Palais du Rhin à Strasbourg depuis 1919. Chargée de coordonner les tarifs douaniers et les règlements de circulation, elle est aussi à l’origine des aménagements successifs du fleuve.

Des travaux de correction du Rhin sont proposés dés 1825 par le colonel badois Johann Gottfried Tulla (1770-1828). Ils consistent à aménager un lit mineur de 200 mètres de large pour permettre la navigation et à enserrer le fleuve dans des digues pour protéger les populations du risque d’inondation. Mais ces travaux, menés entre Strasbourg et Bâle de 1841 à 1876, accélèrent le courant et le déplacement des bancs de gravier, rendant presque impossible la navigation et isolant Strasbourg qui ne retrouve sa place de grand port fluvial qu’après les travaux de régularisation du Rhin effectués entre 1906 et 1924.

Outre les travaux d’aménagement du fleuve, la législation évolue : en 1868, l’Acte de Mannheim abolit les droits de douane et les taxes. L’arrivée de la vapeur et du halage électrique facilitent également les conditions de navigation sur le fleuve. L’ouverture à la navigation des canaux du Rhône au Rhin (1832) et de la Marne au Rhin (1853) permet de relier Strasbourg à d’autres régions françaises.

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Les différents ports de Strasbourg: d’un port sur l’Ill au port sur le Rhin

Les premiers aménagements, de simples débarcadères, se trouvaient dans la ville même, le long des deux bras qui enserrent l’ellipse insulaire. Le trafic se concentrait dans le secteur de l’Ancienne Douane où étaient construits des quais avec deux grues permettant le déchargement des marchandises. La Douane était un vaste hangar où les négociants payaient la taxe municipale avant de pouvoir vendre leurs produits. L’activité du port s’étendait le long du quai des Bateliers puis, après 1870, au sud de la ville : les bassins de l’Hôpital (creusé en 1880-1882) et d’Austerlitz (achevé en 1892) sont alors au centre de cette activité. Mais, devenus insuffisants, ces bassins sont agrandis vers l’est par le creusement des bassins du Commerce et de l’Industrie (1901), des Remparts (1927), puis par l’aménagement de la zone sud à partir de 1950. Dès 1969, le Port modernise ses installations portuaires pour les adapter au trafic de conteneurs.

La circonscription portuaire strasbourgeoise s’étend aujourd’hui sur 1059 hectares, formant une bande d’environ 10 kilomètres de long sur le flanc Est de Strasbourg en incluant le port aux Pétroles (1927) au Nord et les installations de l’Eurofret au Sud. Le Port autonome de Strasbourg, créé en 1926, gère des installations de Lauterbourg à Marckolsheim. C’est le deuxième port fluvial français et la première plate-forme multimodale en Alsace.

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Les activités liées au fleuve

De l’or et du saumon dans le Rhin ? Si les précieuses paillettes célébrées par les légendes et l’opéra se font rares, les poissons, eux, sont de retour. Aux rois et princesses reçus à Strasbourg, la ville offrait déjà des poissons pêchés dans les rivières et dans le Rhin : des carpes, des saumons ou des esturgeons que les pêcheurs ramenaient parfois dans leurs filets. Mais les orpailleurs, les pêcheurs et les chasseurs des îles du Rhin ont laissé leur place aux bateliers, aux dockers et aux ouvriers. Le trafic fluvial poursuit au XXIe siècle son développement : des pondéreux (céréales, graviers, minerais), des produits pétroliers et des conteneurs transitent par le port.

Depuis la fin du XIXe siècle, le port a contribué à l’industrialisation de la ville. Il accueille aujourd’hui plus de 300 entreprises et 10 000 emplois, ce qui en fait un pôle économique non négligeable à l’échelle de la ville. Le débit du fleuve est également exploité depuis les années 1930 pour produire de l’hydroélectricité. Le barrage-écluse-centrale de Strasbourg a été mis en service en 1970. Plusieurs sites industriels sont aujourd’hui en cours de reconversion dans le contexte du projet Deux-Rives.

L’essor de la chimie et de l’agriculture intensive sur les rives du Rhin de Bâle jusqu’à la Mer du Nord depuis le XIXe siècle avait transformé le fleuve en « cloaque de l’Europe ». Il a fallu le choc de l’incendie de l’usine Sandoz à Schweizerhalle en 1986 et la destruction de l’écosystème du fleuve, pour que les États riverains prennent conscience de l’ampleur des pollutions. Si les Strasbourgeois ne se baignent plus depuis longtemps dans le fleuve, le Rhin est aujourd’hui assaini grâce au Plan d’action Rhin lancé par la Commission internationale pour la protection du Rhin (CIPR) réalisé entre 1987 et le début des années 2000.

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