La guerre coûte cher

Les deux camps croyaient à une guerre courte comme celle de 1870-1871. Mais à la fin de l'année 1914, lorsque la guerre de mouvement cède la place à la guerre de position, la perspective d'une victoire rapide s'éloigne.

Dès la déclaration de guerre, les belligérants avaient voté des crédits exceptionnels, mais la poursuite des hostilités demande sans cesse de nouveaux capitaux. La guerre des matériels impose la guerre de l'argent. Mais le coût d'un conflit de l'ère industrielle dépasse les capacités financières des Etats. Ces derniers doivent donc emprunter auprès de leur population les sommes nécessaires pour poursuivre la guerre. La guerre d'usure touche également l’économie.

C'est ainsi que les Etats et les organismes privés multiplient les appels auprès de la population l’invitant à placer ses économies dans les emprunts de guerre et à répondre à différentes collectes. Ces opérations sont présentées comme des actes patriotiques et un investissement sur l'avenir. Le nombre important d'affiches annonçant les emprunts de guerre montre leur importance dans l'effort de guerre.

Les emprunts français

Les emprunts visaient une large population, notamment celle des très nombreux épargnants des villes et surtout des riches départementaux agricoles qui, tout cumulé, avaient amassé des quantités considérables d’or. Le premier emprunt fut émis en novembre 1915, le second en octobre 1916, le troisième en octobre 1917 et le dernier en octobre 1918.

Le rapport du premier emprunt, le plus élevé, rapporta plus de 15 milliards de francs. Ultérieurement les sommes perçues furent moindres : nominalement de l’ordre de 10 milliards, mais, en raison de la dévaluation du franc au cours de la guerre, ces sommes étaient, en valeur réelle, de moins en moins élevées. La situation devenait difficile à l’arrière, et les gens en état de souscrire étaient de moins en moins nombreux.

Par ailleurs, il y avait tant d’autres sollicitations : ainsi, tout au long de la période de guerre, des collectes innombrables pour les éprouvés de guerre, lors de Journées du poilu, de la Journée serbe, pour les régions libérées, pour les foyers de soldats… Il y eut aussi de multiples « journées » de départements, de certaines villes. La guerre devait être suivie d’une « rafale » d’emprunts essentiellement en vue de la libération, de la reconstruction ; on vit apparaître des emprunts nationaux, perpétuels...

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« Aidez-nous à vaincre, Souscrivez à l’emprunt de guerre », 1917, Fritz Erler, Imprimerie Hollerbaum

Les emprunts allemands

Les campagnes allemandes dans le domaine des collectes et particulièrement des emprunts ont été nettement plus nombreuses car l’Allemagne était progressivement asphyxiée par le blocus et dut recourir à la solidarité nationale beaucoup plus que tous les autres belligérants.

On compte ainsi neuf emprunts allemands. Ils ont été lancés successivement en octobre 1914 (rapport : 14,5 milliards de marks), en mars 1915 (rapport : moins d’un milliard), en septembre 1915 (rapport : 12 milliards), en mars 1916 (rapport : 10,5 milliards), en octobre 1916 (rapport : 10,5 milliards), en mars 1917 (rapport : 13,1 milliards), en octobre 1917 (rapport : 12,5 milliards), en mars 1918 (rapport : 15 milliards), et le neuvième peu avant l’armistice (rapport : 10,4 milliards).

Comme en France, il y eut en Allemagne une inflation importante durant la guerre et une dévaluation de fait de la monnaie.

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Collectes et réquisitions

Le blocus imposé par l’Entente à l’Allemagne a été très éprouvant pour la population. Les autorités allemandes invitent la population à pratiquer des économies, à collecter par exemple des feuilles ou des noyaux. Les autorités récupèrent les métaux pour fabriquer des armes.

Plusieurs affiches trahissent la dégradation de l'approvisionnement, ce qui contraint les autorités à recourir à des réquisitions.

Hohlwein fait une démonstration de son savoir-faire dans l’affiche qui ne porte que trois mots : Ludendorff-Spende für Kriegsbeschädigte / « collecte Ludendorff pour les mutilés de guerre ». Outre le titre court, tout est dans l’image : un mutilé, caractérisé par la béquille qu’il tient de sa main gauche et qui semble avoir des difficultés du côté de sa main droite, cherche d’évidence à retrouver l’usage d’outils simples comme un marteau et une tenaille. L’affiche apparaît bien claire: l’uniforme gris-clair est savamment rendu, avec un traitement élaboré de la texture du tissu et comme des effets de pochoir (ombre et lumière) qui indiquent la profondeur et le mouvement. Sur cette affiche en largeur, il y a beaucoup de blanc : la chemise du soldat et de grands espaces blancs autour du personnage.

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