Les cimetières

Les cimetières, longtemps placés autour des lieux de cultes au coeur même de la ville, faisaient partie du quotidien des vivants au Moyen-âge. Si le XVIe siècle conduit à leur déplacement extra-muros, l'extension de l'agglomération strasbourgeoise les absorbe à nouveau au XXe siècle non sans poser la question de l'emprise à leur accorder dans les villes du XXIe siècle.

Plus encore que leur géographie, la morphologie des cimetières a profondément changé à l'époque contemporaine avec le développement des monuments funéraires, d'abord modestes croix de bois, puis monuments en pierre largement standadisés.

Les cimetières intra-muros

Tout chrétien doit être enterré dans un cimetière, en terre bénie, qui se situe souvent autour d’une église ou d’une chapelle. A Strasbourg, chaque église est entourée ou juxtaposée à un cimetière ; les couvents ont également un champ de repos pour leurs religieux ou les fidèles qui se confient à leurs prières. Mais ces cimetières, enclavés au milieu des habitations, sont constamment surpeuplés d’où la nécessité de regrouper les ossements dans des ossuaires.

La question de l’hygiène, doublée de la volonté de rompre avec les usages catholiques de prier pour les morts, amène le Magistrat de la ville à interdire l’utilisation de ces cimetières en 1527. Les défunts strasbourgeois sont désormais inhumés dans les trois cimetières extérieurs : Saint-Gall, Sainte-Hélène et la Kurvau, transféré à Saint-Urbain lors de la construction de la Citadelle. Les habitants de la Robertsau ont leur propre cimetière depuis le XIVe siècle.

Mais, après 1681, les catholiques retrouvent l’usage de certains cimetières intra-muros : celui de Saint-Pierre-le-Jeune se situe entre le cloître et la rivière, celui de Saint-Pierre-le-Vieux occupe la place le long du chœur. Les couvents installés en ville disposent également de caveaux funéraires, à Saint-André et aux Récollets. La Révolution marque la fin de ces champs de repos.

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Les cimetières hors-les-murs

Aux XIXe et XXe siècles, le nombre de cimetières augmente. La communauté juive qui se réinstalle à Strasbourg au moment de la Révolution, a son propre cimetière, ouvert en 1802 à Koenigshoffen. Un second cimetière israélite est implanté au lieu-dit Henstweg à Cronenbourg en 1890. A Bischheim où se développe une importante communauté, un cimetière israélite est aménagé le 7 nivôse an VI (27 décembre 1797), de même que dans d'autres communes autour de Strasbourg.

Après 1870, l'accroissement de la population oblige la municipalité à ouvrir de nouveaux champs de repos : le cimetière Central à Cronenbourg et le cimetière Sud au Neuhof. Le cimetière Nord, dernière et plus vaste nécropole créée à Strasbourg, est ouvert en 1912 et présente un aménagement paysager typique des réalisations contemporaines.

 

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Le cimetière Nord

Malgré l’ouverture du cimetière du Polygone et du cimetière Central, le nombre croissant de décès à Strasbourg, ville alors en pleine expansion, oblige la municipalité à projeter en 1912 la création d’un nouveau cimetière, ouvert en 1916.

Ce cimetière, situé au nord de la ville, à la Robertsau, offre un aspect particulier lié à son aménagement paysager. Un bâtiment, destiné à accueillir le crematorium, une chapelle, un hall funèbre et des salles pour les familles, se dresse en bordure d’une pièce d’eau qui invite au recueillement et qui crée une ambiance de sérénité. Les tombes sont disposées selon un plan régulier, en carrés délimités par des haies.

Cette conception, signée par l’architecte de la ville Fritz Beblo, est alors résolument moderne et s’approche des réalisations existant notamment en Allemagne.

Le cimetière est aussi moderne par la mise en place d’un crématorium, nouveau mode de traitement des corps qui est longtemps repoussé, pour des questions religieuses, par les fidèles catholiques et juifs. L’implantation de cet équipement répond, pour ses promoteurs, à un souci d’hygiène et d’économie.

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Le personnel des cimetières

Sous l’Ancien Régime, le personnel des trois principaux cimetières relève de la fondation Saint-Marc. Il se compose au XVIIIe siècle d’un jardinier, d’un inspecteur des chariots, d’un conducteur de corbillard, de deux porteurs des morts « en chef », de porteurs des morts de seconde classe et de douze suppléants. Il faut y ajouter les fossoyeurs qui sont également gardiens des cimetières.

Après la Révolution, un arrêté du maire du 2 fructidor an X réorganise le corps des porteurs de morts, de façon quasi militaire : il établit un corps de douze porteurs de bière principaux et de trente-six subordonnés, organisés en huit brigades de six hommes. Le responsable a deux adjoints, encadrant chacun quatre brigades. Cette organisation tient également compte de la religion.

Au long du XIXe siècle, les porteurs de bière ont un costume proche de celui des suisses d’église, mais différencié par le crêpe qui est accroché au bicorne.

Quelle que soit l’époque, plusieurs règlements définissent l’exercice de ces différentes professions et tentent de supprimer, sinon de limiter certains abus : alcoolisme, rapacité, négligence… Quant aux gardiens des cimetières, également fossoyeurs, ils utilisent parfois une partie du cimetière comme jardin.

Il faut attendre le règlement de 1912 et la création du service des cimetières pour que la fonction se professionnalise. Les porteurs de morts deviennent des employés municipaux. En 1939, la ville emploie quatre porteurs et vingt auxiliaires. A partir de 1998, le monopole de la ville prend fin : cette activité est désormais exercée par des sociétés privées

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Les monuments funéraires de la noblesse

Les familles nobles et les personnalités ont les moyens d’élever des monuments funéraires à la mémoire de leurs défunts et de créer les ressources nécessaires à des services commémoratifs autour de ces monuments.

A partir du XIIIe siècle une forme particulière de représentation des défunts apparaît et se développe durant les siècles suivants : le gisant représente le défunt, allongé sur un lit ou un plateau. Les figures de l’évêque Conrad de Lichtenberg (cathédrale), les landgraves de Werde (église Saint-Guillaume), Henri de Mullenheim (oratoire de la Toussaint) magnifient le défunt et évoquent sa mémoire, donnant également à des artistes la possibilité d’exercer leur talent au service de mécènes.

Parallèlement à cette forme, la disposition en enfeu (une niche décorée de peinture, avec une table armoriée) se maintient. Plus courant, l’usage de couvrir les sépultures de dalles ornées d’une simple inscription et des armoiries du défunt, de sa représentation gravée ou sculptée en bas relief, semble être la règle la plus courante pour la fin du Moyen Âge, notamment pour les clercs.

La représentation du défunt tend, au Moyen Âge à inspirer l’idée d’un endormissement serein. La sculpture représentant Nicolas Roederer (mort en 1510), au corps décharné étendu sur une natte, constitue une rupture : la mort est représentée dans sa réalité physique, celle de la déchéance corporelle.

La Réforme résiste, à Strasbourg, à cette volonté de perpétuer le souvenir des grands hommes. Il faut attendre le XVIIIe siècle pour voir, à nouveau, des créations somptueuses dont le mausolée du maréchal de Saxe est le plus célèbre.

 

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Les monuments funéraires des cimetières

Marquer la tombe d’un défunt permet d’entretenir le souvenir d’une manière ostensible. Mais cette possibilité n’existe que pour les familles qui obtiennent, au XIXe siècle, une concession à perpétuité. Les autres tombes – les plus nombreuses – ne sont marquées que par une simple croix.

L’aspect des monuments évolue avec le temps : utilisation de grès rose ou jaune, de granit ou de pierre reconstituée, représentation du défunt (sur un médaillon réalisé en galvanoplastie), ornementation sculptée dans la pierre ou rapportée, permettent à des maisons spécialisées d’occuper un marché important. Ces artisans ont à leur disposition des modèles offrant plusieurs styles : au classicisme du début du XIXe siècle succède le néo-gothique puis des formes éclectiques ou modernes.

Le symbolisme des tombes se rapporte à la vie interrompue, à la religion, à la fidélité, au souvenir, à travers un système de représentations facilement lisible pour le passant. Quant aux épitaphes, elles se simplifient au long du XIXe siècle pour ne plus donner que le nom et les dates du défunt, voire la simple mention du nom de la famille.

Les cimetières juifs regroupent des stèles parfois très anciennes. En effet, l’interdiction de réutiliser une tombe entraîne une permanence des monuments. Les styles sont variés, certains monuments imposants révélant l’importance du défunt, et les représentations rappellent la fonction religieuse du défunt : une cruche pour un lévite, des mains ouvertes pour un cohen, mais aussi une palme évoquant la fête des tentes ou une lampe, une étoile, une couronne.

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