Se préparer à la mort

Au cours de périodes historiques où la mort semble omniprésente, du moins fréquente, qu'elle soit liée à des épidémies ou encore à une forte mortalité infantile, celle-ci occupe une place importante dans les préoccupations des Strasbourgeois. Ils s'en inquiètent, s'y préparent tant sur le plan spirituel, matériel mais aussi juridique.

Une certaine conception de la mort

La mort et l'au-delà occupent une place importante dans les pensées des hommes et des femmes du Moyen Âge à l’époque contemporaine. Cet au-delà est composé du paradis pour les justes et les croyants, alors que les justes et les incroyants sont destinés à l'enfer.

La mort est le lot commun à tous les êtres vivants : elle est souvent représentée au XVe siècle par un squelette qui entraîne les riches et les pauvres dans sa ronde. Les prières évoquent la peur de ce passage où les croyants, juifs ou chrétiens, se retrouvent face à leur Juge.

Mais, si la mort fait peur, elle inspire également de l’espoir. Pour les chrétiens, la mort et la résurrection du Christ constituent la préfiguration de la destinée promise aux croyants.

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les confréries

La bonne mort s’oppose à la mauvaise mort : mourir en bon chrétien, après s’être préparé, est rendu possible par une vie vertueuse, mais aussi, tout au long du Moyen Âge et de l’époque moderne, par la participation à la vie d’une confrérie, pour les catholiques.

Une confrérie est un groupement professionnel ou paroissial de croyants qui prient les uns pour les autres, accompagnent les membres défunts à leur dernière demeure et font dire des offices commémoratifs. Ces confréries sont attachées à une église ou une chapelle où elles disposent d’un autel.

Ces confréries étaient souvent placées sous l’invocation de saint Joseph, dont la figure de patron de la bonne mort s’impose à partir du XVIIIe siècle chez les catholiques.

A la fin du XIXe siècle, on assiste au développement de sociétés mutualistes qui proposent la prise en charge des frais d’obsèques par un système de cotisation. Mais ces sociétés n’ont plus de contenu religieux.

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Testament de Johann Caspar Ehrhardt, Schaffner de la Haute Ecole, 1682

Les testaments

Conclure un testament, c’est arranger ses affaires temporelles en vue de sa succession. La pratique des testaments remonte à l’Antiquité. Les dernières volontés sont tout à la fois spirituelles (on fonde à partir du Moyen Âge des offices commémoratifs) et matérielles (on prévoit des legs ou le partage de ses biens).

Après la publication du testament, suite au décès du testateur, le notaire procède à l’inventaire des biens et les héritiers au partage, opération qui peut donner lieu à des conflits familiaux aigus.

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Les grandes mortalités

Les épidémies marquent l’histoire : on en trouve trace dans les chroniques, les registres paroissiaux, les relations de médecins qui cherchent non seulement à identifier le mal épidémiologique, mais aussi à le contenir, voire à le guérir.

Certaines épidémies sont inscrites dans la mémoire collective : la grande peste en 1347-1349, le choléra en 1832 ou en 1855. Mais il ne faut pas oublier les maladies constamment présentes de manière endémique, comme la lèpre ou la syphilis (à partir du XVIe siècle), qui connaissent des sursauts meurtriers.

Les victimes de ces épidémies se trouvent souvent dans la population la plus faible : enfants, vieillards, personnes affaiblies par une disette. Les temps de guerre aggravent ces maux : le taux de mortalité dépasse parfois celui des naissances. Les mesures prophylactiques consistent essentiellement en l’éloignement des malades.

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Les causes naturelles de la mort

L’étude de la mortalité au quotidien est possible grâce à l’analyse des registres de sépulture. On les conserve, pour les paroisses protestantes de Strasbourg et pour l’hôpital de la ville, depuis le XVIe siècle. Le travail de l’historien est facilité par le soin que certains pasteurs ont pris de noter la cause du décès.

La comparaison des trois paroisses de Saint-Guillaume, Saint-Nicolas et Saint-Thomas montre des différences entre ces trois secteurs de la ville.

Les raisons des décès sont accidentelles (de nombreuses noyades surviennent dans la paroisse Saint-Guillaume, celle des bateliers). On relève également le nombre important de femmes mortes en couches et d’enfants morts avant leur première année. Diverses pathologies comme la tuberculose, la pneumonie, les maladies du système digestif, se retrouvent également.

Quant à l’hôpital, il admet non seulement des malades mais aussi des pensionnaires qui y meurent (parfois) de vieillesse. Le Blatterhus, où sont regroupés les vérolés, connaît une mortalité liée à la syphilis.

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Les morts à part

Si l’adage populaire veut que tous les hommes soient égaux devant la mort, certains trépassés ont longtemps connu une discrimination en raison de la nature même de leur trépas. Il s’agit des enfants morts sans baptême, des suicidés et des condamnés à mort.

Le condamné à mort est rejeté de la société en raison de la nature de son crime. Il s’agit cependant de l’accompagner spirituellement lors de son exécution, souci pastoral exprimé notamment par Jean Geiler.

Quant au suicide, il est considéré comme une infamie et un crime contre Dieu et soi-même. Le corps des suicidés ne peut donc être traité comme celui d’un mort « naturel ». Jusqu’au XVIIe siècle, il est jeté dans le Rhin, enfermé dans un tonneau. Puis il est inhumé en dehors des cimetières.

Les condamnés à mort sont également mis à part : leur enterrement doit être discret, dans un quartier du cimetière réservé à cet effet. Au Moyen Âge, le corps était enterré à proximité du lieu d’exécution.

Dans la seconde moitié du XXe siècle, les interdits religieux et sociaux s’estompent : on reconsidère la place de ces morts dont la mémoire n’est plus entachée d’opprobre.

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