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Le « plan Morant » de 1548

Plan Conrad Morant de 1548, Nuremberg.

Copie du plan Morant par Camissar, vers 1900, AVES.

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Conrad Morant : sa vie, son œuvre

Le peintre

Il est né à Bâle (Suisse) au début du XVIème siècle. En 1520, il arrive à Strasbourg avec son père, apprend le métier de peintre et entre dans la corporation de l’Echasse. En 1546, après un différend, il quitte la corporation de l’Echasse pour celle des Tailleurs. En 1548, il émigre à Sélestat et revient à Strasbourg en 1549. En 1555, il est nommé préposé à la voirie et exerce une activité de banquier. 

Morant serait décédé vers 1563. Son plus ancien travail connu est un dessin à la plume légèrement aquarellé du Musée historique de Bâle, avec une vue de la ville de Bâle du côté du Rhin.

La vue de Strasbourg

Ce grand plan de Strasbourg a été réalisé par Conrad Morant entre 1547 et mars 1548. Morant a dessiné, gravé sur bois, colorié et encollé le plan sur une toile. Il mesure 87 cm de long et 68 cm de large. Avec ce plan est conservée une très grande gravure sur bois de la façade de la cathédrale, conçue comme un complément du plan. Le « plan Morant » est conservé en un unique exemplaire au Germanisches Nationalmuseum de Nuremberg (Allemagne).

Vers 1900, le peintre alsacien Auguste Camissar en réalise une copie coloriée. Celle-ci est conservée aux Archives de Strasbourg sous la cote 1 PL 1.

Strasbourg au milieu du XVIe siècle

C’est une des villes les plus importantes de l’Empire germanique avec plus de 20 000 habitants. 1548, c’est la période qui suit le Moyen-Âge, celle de la Renaissance et de la Réforme protestante. Mais c’est une ville médiévale que nous présente Morant.

Une vue aérienne comme document topographique

Conrad Morant s’est installé sur la plateforme de la cathédrale pour voir la ville d’au-dessus et réaliser cette vue cavalière. Comme il n’y a pas de notion d’échelle et en raison de la perspective, les maisons situées près de la cathédrale sont représentées plus grandes que les autres.

Le paysage urbain en 1548

Une ville médiévale

Au XVIe siècle, Strasbourg est une ville fortifiée. On aperçoit les tours, portes, ponts et remparts liés aux agrandissements successifs de la ville.                       

L’eau dans la ville

Le cours d’eau, l’Ill, encercle la ville. A l’époque de Morant, il n’y a pas d’eau courante dans les maisons. Les puits sont très présents. Par ailleurs, les égouts n’existent pas non plus ; les eaux usées sont déversées dans des fossés (liseré bleu sur le plan). Ces fossés sont comblés au XIXe siècle et laissent place à des rues (rue du Fossé-des-Tailleurs, rue de la Haute-Montée, rue de la Mésange…).

Vivre à Strasbourg en 1548

Pouvoir, religion et prestige

Morant a volontairement représenté trois édifices plus grands que les autres, à cause de leur fonction et renommée : le Pfennigturm (la tour du trésor, fonction financière), la cathédrale (fonction religieuse), la Haute-Ecole (lieu de l’enseignement, fondée par Jean Sturm).

Par ailleurs, on peut repérer deux édifices d’une grande importance pour la Ville à l’époque de Morant mais qui n’existent plus aujourd’hui : la Pfalz (la mairie) et la Münze (l’hôtel de la Monnaie), sur l’ancienne place Gutenberg.

Les églises sont nombreuses dans le paysage, ce qui atteste de la présence de la religion chrétienne au Moyen-Âge.

L’habitat strasbourgeois

A l’époque de Morant, on construit des maisons à colombage et des maisons dites en pierre (en réalité en brique)

L’économie

Les principales places existent déjà en 1548 mais ne portent pas toutes les dénominations actuelles. Ainsi la place Gutenberg s’appelle place Saint-Martin où l’on tient le marché aux poissons ; la place Kléber où se trouve le couvent des Fransiscains s’intitule Barfüsserplatz ; quant à la place Broglie, elle est destinée au marché aux chevaux. Au Moyen-Âge, les places d’une ville servent souvent à tenir des marchés.

Par ailleurs, l’ancienne douane au bord de l’Ill constitue le premier port de Strasbourg.

Une œuvre d’art et un éloge à la Ville de Strasbourg

Le plan est composé de quatre parties (planches).

Tous les éléments du plan (cours d’eau, vergers et jardins, toits et façades des maisons…) ont leurs propres couleurs. Ainsi, la polychromie rend le dessin de Morant très précis et attrayant.

Dans le plus petit cartouche, en bas à droite du plan, Morant laisse un témoignage en latin qui nous informe pourquoi il a réalisé cette vue de Strasbourg et à qui il la destine :

« Argentoratum est une ville si ancienne que Ptolémée, St Jérôme, Orose, Eutrope, Amonien Marcellin et d’autres en font mention. Métropole de l’Alsace située près du Rhin qui la longe de son cours – certains la nomment Argentina et on pourrait même avec raison changer son nom en Aurentina – elle est ordinairement appelée Strasbourg. C’est une ville pieuse et courageuse, aux magistrats avisés et intègres, aux études sérieuses dans une école renommée. Conrad Morant, peintre, bourgeois, par amour de la patrie et en témoignage de reconnaissance envers le Magistrat de la République, s’est efforcé de la représenter telle qu’elle est pour les générations futures. Avec le privilège de sa Majesté impériale, d’être le seul à pouvoir la graver pendant huit ans ».

Enfin, en haut, à gauche du plan, on peut apercevoir les armoiries de la ville de Strasbourg (« d’argent à la bande de gueules »), utilisées depuis le XIVème siècle.