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Le Ban-de-la-Roche au temps du pasteur Oberlin

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Une carte géographique du XVIIIe siècle

Le document qui nous intéresse ce mois-ci est une carte géographique du Ban-de-la-Roche, une région de la haute vallée de la Bruche, délimitée à l’ouest par la Bruche et à l’est par la forêt de Barr et le massif du Champ du feu. Ce territoire de moyenne montagne, prairies et forêts dont les altitudes s’élèvent de 340 à 1 100 mètres, est constitué de deux vallées parallèles : la vallée de la Rothaine et la vallée de la Schirgoutte, séparées par le col de la Perheux (699 m). La morphologie du relief se présente sous forme de plateaux s'élevant en étages ayant permis l'établissement de plusieurs habitats.

Cette carte est au départ une carte muette gravée portant en bas à droite dans un écu la légende « Le Comté du Ban de la Roche » ainsi que l’échelle (en lieues) et, en haut à droite, l’orientation (le nord est indiqué par une fleur de lys). Les routes y sont marquées d’un trait noir épais.

Cette carte muette est attribuée au pasteur Stuber, le prédécesseur de Jean-Frédéric Oberlin. Elle a été reprise par Oberlin qui en a conçu un bois gravé, lequel a ensuite servi à reproduire le document. Ici, le dessin est colorié et annoté de la main d’Oberlin qui a également rajouté des éléments nouveaux. Du point A au point B, il y a un chemin qu’Oberlin a fait réaliser pour relier le Ban de la Roche à la route de Senones. Il en est de même pour le Pont de la Charité, indiqué par la lettre C. Les cours d’eau ont été colorisés en bleu et identifiés ; on distingue, à gauche, la Bruche, qui donne naissance à deux petits affluents, la Rothaine et la Schirgoutte.

Les fermes isolées (appelées censes) sont indiquées par des triangles, tandis que les autres éléments sont précisés par des symboles particuliers, comme le château de la Roche, qui est signalé par une tour. On appelait d’ailleurs cet endroit en patois le « Steintal » ou vallée de la Roche.

Le paysage du Ban-de-la-Roche dans la seconde moitié du XVIIIe et au début du XIXe siècle

Dans le cahier de géographie rédigé à l’usage des « conductrices » pour l’instruction de la jeunesse, Oberlin décrit le Ban-de-la-Roche en ces termes : « Située dans les montagnes de Voges entre l’Alsace et la Lorraine. D’environ six lieues de circonférence. Appartient à Monsieur le baron de Dietrich. La religion est luthérienne. Le langage : patois, français et un peu d’allemand. L’air y est plus froid et le terrain moins fertile que dans la plus part des contrées d’alentour » (AVES, 77 Z 93).

Lorsqu’en 1767, Voyer d’Argenson, seigneur du Ban-de-la-Roche, confie à Jean-Frédéric Oberlin la charge de la paroisse de Waldersbach, celle-ci se compose de cinq villages : Fouday, Solbach, Bellefosse, Belmont, Waldersbach et de trois hameaux : Trouchy, Pendbois et La Hutte. La population présente en effet la double particularité d’être de confession luthérienne et de langue romane dans un environnement catholique et de langue germanique.

Le relief se compose de croupes en gradins qui s’étagent de la vallée de la Bruche à la ligne des crêtes. Dans les zones les plus plates, les sols sont peu fertiles et lessivés par les pluies et les surfaces cultivables très réduites. Les pentes les plus abruptes sont couvertes de forêts. Le climat montagnard est rude, exposé aux vents d’ouest, les pluies abondantes (1 200 à 1 500 mm d’eau par an), de même que l’enneigement, variable selon les années. Les récoltes sont donc à la merci du moindre incident climatique.

L’effort du pasteur Oberlin dans le domaine des progrès agricoles, inspirés par les physiocrates et les agronomes de son époque, se porte d’abord sur l’amélioration des rendements des cultures existantes par le développement des engrais ; il préconisera trois moyens d’augmenter le fumier. Le deuxième point important est l’amélioration des pâturages. Dans les zones humides, ils doivent être suffisamment drainés et les prés de fauche améliorés et développés pour permettre la stabulation pendant l’hiver. On doit augmenter aussi le fourrage par la création de prairies artificielles. Oberlin choisit pour cela le trèfle de Hollande qui réussira parfaitement au Ban-de-la-Roche. Si les bêtes peuvent être nourries à l’étable, la vaine pâture doit disparaître et les pâturages devenir des champs cultivables.

Le pasteur Oberlin préconise de nouvelles cultures, mieux adaptées également aux conditions climatiques : le lin, la pomme de terre connue depuis le XVIIe siècle en Alsace (mais dont il fait venir de nouvelles semences de Riga, destinées à améliorer la productivité), la betterave fourragère, le trèfle. Pour remédier à l’érosion des sols et à la déforestation massive due à l’industrie métallurgique, il recommande de planter des arbres : des fruitiers pour l’alimentation, mais aussi des arbres destinés à reconstituer la forêt.

Pour assurer un complément de ressources à ses paroissiens, le pasteur Oberlin s’est aussi préoccupé de développer une industrie locale. Au début du xixe siècle, l’activité minière et métallurgique perd de l’ampleur, le tissage artisanal à domicile est en train de disparaître. Il invite alors la famille Legrand, père et fils, à venir installer au Ban de la Roche une véritable industrie textile avec une rubanerie.

Enfin, la vue de Waldersbach vient compléter la carte. On remarque au premier plan les maisons couvertes de chaume. On y voit également l’église au centre du village et le presbytère à l’extrême gauche, une construction typique des logements d’hommes d’Église au XVIIIe siècle ; celui-ci abrite aujourd’hui le Musée Oberlin.

Sources :

Archives de Strasbourg, 77 Z 197/1 et 126.

 

Orientation bibliographie

SCHNEIDER, Malou, Le-Ban-de-la-Roche, dans Jean-Frédéric Oberlin. Le divin ordre du monde, 1740-1826, Les Musées de la Ville de Strasbourg, Editions du Rhin, Mulhouse, 1991.

DENIS, Marie-Noële,Le pasteur Oberlin au Ban de la Roche (1740-1826) : un homme des Lumières pionnier de l’économie de montagne, en ligne sur https://books.openedition.org.