Les documents du mois


Louise Scheppler et les premières écoles maternelles

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L'oeuvre pédagogique du pasteur Oberlin

Le pasteur Jean-Frédéric Oberlin (1740-1826) met la pédagogie au centre de son activité. Dès son arrivée au Ban de la Roche en 1767, il se préoccupe du sort des tout-petits trop livrés à eux-mêmes, tandis que leurs parents, leurs mères en particulier, sont occupés à travailler. Par ailleurs, il trouve chez la femme des prédispositions pédagogiques qu’il tient à valoriser en les mettant au service de l’éducation des enfants. Il recrute Sara Banzet à Belmont et crée le concept des « poêles à tricoter », chambres chauffées où se réunissent les enfants de moins de sept ans ; c’est la naissance de nos écoles maternelles. Oberlin les institue dans les villages où il trouve des jeunes femmes prêtes à se mettre au service de ces enfants et à les conduire à la vie. Elles seront appelées « conductrices de la tendre jeunesse ». Très vite, les poêles à tricoter destinés aux tout-petits deviennent des lieux où se retrouvent aussi des filles et des garçons plus âgés ; il devient nécessaire de créer des « écoles à tricoter » pour les plus grands. Les enfants sont réunis dans des chambres spacieuses, convenablement disposées, et placés sous l’inspection de conductrices formées par Oberlin lui-même. La démarche pédagogique d’Oberlin est fondée sur l’apprentissage de l’histoire, des pays du monde, des animaux, sur les points élémentaires du tricot, le jeu dans l’honnêteté, l’exercice pour contribuer à la santé, la promenade pour la découverte des plantes… Il s’agit de conduire les enfants à jouer et à travailler avec leurs doigts et leur corps, à observer et à toucher le monde, à s’étonner et à s’émerveiller.

C’est dans ce contexte qu’a été rédigé le document qui nous intéresse ce mois-ci. Il est rédigé par Louise Scheppler, collaboratrice du pasteur Oberlin et « conductrice de la tendre jeunesse ».

Louise Scheppler et l’instruction donnée aux enfants

Louise Scheppler est née le 4 novembre 1763 à Bellefosse dans une famille de neuf enfants. Oberlin dit d’elle qu’à huit ans, elle aurait été « touchée par la grâce ». A l’âge de quinze ans, en 1778, elle entre au service de la famille du pasteur Oberlin, au presbytère de Waldersbach, et devient sa plus proche collaboratrice. Le 16 juin 1779, ayant été formée par Oberlin et son épouse, elle commence à exercer la charge de « conductrice de la tendre jeunesse ». Elle est d’abord envoyée dans les quatre villages de la paroisse de Belmont, Fouday, Solbach, Bellefosse ; plus tard elle est secondée par d’autres conductrices. Elle est également demandée à Rothau et à Wildersbach. Prenant la tête des autres conductrices, elle anime et encourage le fonctionnement des poêles à tricoter pendant 58 ans, en assurant auprès de ses collègues une fonction de coordinatrice, de stimulatrice et d’inspectrice.

De sa main même, Louise écrit le programme d’instruction des poêles à tricoter, un programme qui prouve que les poêles n’étaient pas de simples garderies mais de véritables lieux d’éveil : « Les conductrices instruisent les enfants dans les différentes choses suivantes : le tricotage, aux garçons, comme aux filles ; on leur parle des histoires de la Sainte Ecriture ; on leur apprend par cœur des cantiques spirituels et en même temps à les chanter et on leur en explique le sens ; on leur donne une petite idée de la géographie et de l’histoire naturelle ; on leur raconte différentes anecdotes édifiantes d’après leur portée ; on tâche de leur faire comprendre la préférence de Dieu en tout temps et en tout lieu, on les exhorte à s’en souvenir partout où ils se trouvent, et dans tout ce qu’ils font, et leur expose ce qui fait plaisir au Bon Dieu et ce qui lui déplaît ; on tâche de leur donner de l’horreur pour le mensonge, les jurements, la désobéissance et le manque de respect aux parents, la malpropreté, la paresse… et enfin on tâche de leur donner une idée de la prière du cœur, en priant avec eux à genoux, et d’une manière qu’ils puissent le comprendre. » (AVES, 77 Z 93).

Le sermon funèbre prononcé lors de ses funérailles s’adresse en ces termes à l’assemblée : « Parlez, vous, pères et mères, qui avez envoyé vos enfants à son école, n’était-elle pas infatigable à les instruire encore jusque dans les dernières semaines ? Et même jusqu’à la veille de sa maladie, elle leur enseignait les histoires de la Sainte Ecriture, et avec quelle chaleur et quel empressement elle leur faisait connaître les plantes du pays et leurs vertus, elle les accoutumait au travail et à la règle, à la politesse, leur enseignant la pureté du langage. Et l’ardeur qu’avaient vos enfants à se rendre auprès d’elle ne prouve-t-elle pas l’amour avec lequel elle les traitait ? » (AVES, 77 Z 161/4)

En 1829, sur proposition du baron de Cuvier, son œuvre fait l’objet d’un rapport à l’Académie qui lui décerne le prix de vertu fondé par M. de Monthyon. Louise Scheppler décède le 25 juillet 1837 à Waldersbach. Sa dépouille repose, selon son désir, au cimetière de Fouday, derrière celle du pasteur Oberlin.

 

Sources :

Archives de Strasbourg, 77 Z 93 et 161/4

 

Orientation bibliographie :

PSCZOLLA, Erich, Louise Scheppler : Mitarbeiterin Oberlins, Luther-Verlag, 1963 (BH 3414).

PSCZOLLA, Erich, Louise Scheppler und andere Frauen in der Gemeinde Oberlins, Lahr-Dinglingen : St.-Johannis-Dr. Schweickhardt, 1988 (BH 1389).

STUSSI, Edmond, « Oberlin pédagogue », dans Schneider Malou et Geiler Marie-Jeanne (dir.), Jean-Frédéric Oberlin. Le divin ordre du monde, 1740-1826, Les Musées de la Ville de Strasbourg, Editions du Rhin, Mulhouse, 1991 (BH 4424).

WINNECKE, August, « Luise Schepler », dans Evangelische Lebensbilder aus dem Elsass, n°12, Strassburg : Buchhandlung der Evangelische Gesellschaft, 1905 (BRA 762).