Les documents du mois


Un trafic de cloches à Strasbourg pendant la Révolution française !

 

"A Messieurs

Messieurs les directeurs du District de Strasbourg,

Messieurs,

Je soussigné déclare que des Electeurs du District de Wisssembourg Canton de Lauterbourg, section de Berg s’étoient trouvés chez moi le 5 du courant pour acheter la quantité de métal de cloche qui manquoit à leur cloche fendue, qu’ils ont fait transporter ici pour l’échanger dans l’hôtel de la monnoye contre une cloche remise pour la fabrication de la monnoye, ce que je refusois, cependant aujourd’hui le matin étant dans le dit hôtel j’appercois que la grande cloche de[s] recollets de cette ville pesante 416 livres manquoit et sur les recherches que je faisois j’appris qu’elle est échangée aux Electeurs nommés cy dessus contre une cloche fendue pesante environ 250 livres j’appris en même tems que d’autres communautés s’étaient présentées dans la même intention et ont arrêté des cloches. Tous ces faits sont contre la loi qui ordonne que les cloches remises dans les hôtels des monnoyes soyent fabriquées en monnoye et non pas vendues ou échangées contre les cloches fendues des communautés au préjudice des fondeurs établis.

Qu’il vous plaise donc messieurs d’ordonner que les cloches remises dans la monnoye soyent d’abord mises hors d’état de pouvoir servir

A Strasbourg ce 6 septembre 1791

Signé Matthieu Edel Fondeur de cloches, citoyen de Strasbourg"

 

 

"Vu l’adresse ci-dessus, d’autre part, ouï le Procureur Sindic, les administrateurs composant le Directoire du District de Strasbourg, considérant que l’intention de l’Assemblée nationale dans le Décret donné pour la fonte des cloches superflues n’a point été d’en autoriser trafic quelconque, lequel entrainerait des abus et des malversations au détriment des fondeurs de cloches établis dans le Royaume, arrêtent que la Municipalité de Strasbourg sera requise de veiller à ce qu’il ne soit aucunement contrevenu à l’intention de l’assemblée nationale de vérifier le fait rapporté dans la présente requête, et s’il est vrai que la cloche des Récollets a été troquée contre une autre, de rompre cette échange et de faire représenter la cloche en question pour être fondue suivant sa destination.

Fait à Strasbourg le 12 septembre 1791

Par les administrateurs composant le Directoire du District de Strasbourg

Zimmer (président) et Burger (secrétaire)"

"A Messieurs

Messieurs les Maire et Officiers Municipaux de la Commune de Strasbourg

Messieurs,

Soussigne ajoute les faits suivants à la requete cy jointe, depuis le 6 du courant qu’elle a été présentée à Messieurs les directeurs du District, la communauté de Scha[e]ffersheim du District de Benfeld canton d’Erstein section de Nordhausen a échangée deux cloches de Ste Barbe de cette ville l’une de 550 l’autre de 160 livres contre des autres plus petites et la communauté de Westhausen du même district canton Benfeld section de Matzenheim a échangée la petite cloche des récollets de 171 livres contre une de 103 livres toutes déposées dans l’hôtel de la monnoye pour être fabriquées en monnoye.

A Strasbourg ce 17 septembre 1791

Signé

Matthieu Edel Fondeur de cloches et citoyen de Strasbourg"

"28 février l’an 4 de la Liberté 1792

Le Directoire du Département du Bas-Rhin plein de confiance dans le zèle qui anime Monsieur le Maire de la Commune de Strasbourg en faveur de ce qui intéresse l’ordre public, l’invite à faire connaître, dans le jour, aux administrateurs, quelles sont les cloches que l’état de la sonnerie de la cathédrale permet de mettre incessamment à la disposition des directeurs de la monnaie

Strasbourg, le 28 février. 1792, l’an 4 de la Liberté."

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Au lendemain de la Révolution française, les monnaies d’or et d’argent et les pièces en cuivre se font rares dans le royaume. La République pense alors à utiliser le métal des cloches des monuments religieux confisqués. En août 1791, un décret autorise la frappe de monnaies en alliage de cuivre et de métal issu de la fonte de cloches. La fabrication de cette monnaie est surveillée et doit avoir lieu dans les hôtels des monnaies du royaume. Dans les villes puis les campagnes, les cloches sont réquisitionnées, comme à Strasbourg, où il est question de mettre à contribution les cloches de la cathédrale. Ce fut effectivement le cas car les cloches du beffroi ont été saisies en vues d'être fondues et transformées en pièces de monnaie.

Les 4 textes présentés ce mois-ci sont issus du Fonds de l’administration municipale avant 1870, cotés 283 MW 86 et datés des années 1791-1792 sur le thème de la monnaie en métal de cloches.

Ces textes reflètent la réalité du trafic de cloches, qui s’instaure en Alsace et dans d’autres régions du royaume, et dont se plaignent les fondeurs de cloches comme Matthieu Edel qui écrit à l’administration strasbourgeoise.

 

Ces documents sont actuellement en cours de classement et ne sont ni consultables en salle de lecture ni sur notre site Internet. C'est donc une découverte inédite qu'on vous propose ce mois-ci !