Le journal de Karl Heinrich Weiske

Le journal de Karl Heinrich Weiske a été donné aux Archives par un particulier, qui l’a trouvé en vidant la cave de sa propriété. Il s’agit d’un volumineux manuscrit de plusieurs centaines de pages, format 21 X 33,5 cm rédigé en langue allemande, tenu de juillet 1914 à juillet 1918. Il comporte également des photographies, coupures de presse, cartes de la période du conflit et également de la période entre 1918 et 1932. L’auteur du journal a vraisemblablement mis au propre ses carnets de guerre.

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Qui est le soldat Weiske ?

Karl Heinrich Weiske est né le 22 janvier 1882 à Avricourt (Moselle), il est le fils d’un douanier et d’Ernestine Pächnatz. Il a épousé à Domfessel (Bas-Rhin), le 29 octobre 1910, Caroline Bach, née le 25 janvier 1883 à Domfessel, fille de l’agriculteur Jacques Bach et de Caroline née Nehlig (Archives départementales du Bas-Rhin, registre des mariages Domfessel 1910). Ils ont pour témoin le frère de Weiske, Max, 37 ans, régulièrement mentionné dans le journal, et Jakob Bach, 25 ans.


La famille Weiske est d’origine allemande, Weiske précise d’ailleurs que sa femme est alsacienne (ce qui sous-entend qu'il ne l'est pas). Des Weiske originaires de Deutsch-Avricourt sont présents à Strasbourg à la fin du XIXe siècle (Archives de Strasbourg, 602 MW 830), venus de Burgwall (Weiske Klara) et de Buckau en Prusse (Weiske Otto).
Le couple Weiske s’installe à Sarrebourg le 16 novembre 1910 (Archives municipales de Sarrebourg, registre 2 I 5, entrées et sorties de la commune, registre des couples mariés). Leur fille Claire Marthe Berthe Weiske nait à Sarrebourg le 18 avril 1911. Le 10 novembre 1911, ils partent pour Strasbourg et la caserne d’artillerie du 15e régiment d’artillerie à pied. Le couple loge Kirchweg 18 (actuellement rue de la Division-Leclerc), dans une maison réservée aux soldats. Nous perdons ensuite leur trace.


Au moment de la guerre, Karl Weiske est douanier et vit avec sa femme et sa fille à Menglatt (Magny) dans le Sundgau alsacien, région occupée par l’armée française dès l'été 1914. Cela vaut à sa femme d’être faite prisonnière par les Français et d’être détenue à Collioure puis à Béziers. Leur fille Bertha est séparée de ses parents et gardée par une connaissance dans le village voisin d’Altmünsterol (Montreux-Vieux). Les parents de Karoline vivent toujours à Domfessel en 1914. Réserviste, Weiske est incorporé comme maréchal des logis dans le régiment d’artillerie de campagne n. 76, colonne de munitions, qui deviendra en 1916 le 28e régiment d’artillerie de campagne. Il se retrouve sur le front de la Somme dans la zone de Beaulencourt-Longueval et termine le conflit dans le Nord de la France (Lille-Douai). Weiske sera décoré de la croix de fer en 1915.


Ayant visiblement reçu une éducation soignée, il joue de l’orgue, réalise des photographies qui illustrent son journal. Le journal s’interrompt en juillet 1918. Nous ne savons pas s’il a cessé de le tenir ou si les dernières pages ont été perdues. En raison de ses origines allemandes, Weiske a dû quitter l’Alsace pour l’Allemagne après novembre 1918. Il reprend son métier de douanier.

En 1926-1927, il est domicilié à Pfungstadt (Hesse, Allemagne). Une carte postale de ses camarades de régiment, datée du 5 septembre 1932, le localise ensuite à Gross-Gerau (Hesse) (selon une carte envoyée de Pforzheim le 4 septembre 1932, trouvée dans les feuillets d’août 1915). Apparemment, il n’a pas gardé de lien avec l’armée et ne se rend pas aux réunions d’anciens combattants. Il est décédé en 1933 vraisemblablement dans cette localité.

Sa femme Caroline vit de 1948 à 1954 à Rauwiller avec sa fille et sa petite-fille (mais il n'y a pas de fiche la concernant dans le fichier domiciliaire de Rauwiller). Elle s’installe en 1955 à Strasbourg-Neudorf où elle décède le 22 décembre 1967. Leur fille Berthe a mis au monde à Darmstadt, le 13 avril 1940, une fille, Eveline Karola Charlotte. Berthe décède à Strasbourg, le 22 janvier 2003, sa fille Evelyne le 3 décembre 2009, sans descendance.


L’intérêt du journal de Weiske

Bien documenté et rédigé, il nous donne la vision sur le conflit d’un soldat allemand, vivant en Alsace et ayant contracté un mariage avec une Alsacienne. Weiske exprime des valeurs chrétiennes et morales. Son épouse fait partie des otages alsaciens en France mais il déclare refuser de se venger sur la population car il juge cela indigne d’un soldat allemand.
La vie quotidienne des troupes allemandes, l’atmosphère d’ennui et d’inaction, que l’on trompe avec le jeu et l’alcool, les distinctions honorifiques régulières, l’importance des lettres et des nouvelles sont particulièrement évoquées. Weiske traite également des nouvelles du front, des corvées imposées aux habitants des régions occupées et des relations que les occupants entretiennent avec la population.


La transcription et la traduction

La transcription du journal a été réalisée par les archivistes de la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg (Laurence Perry, Benoit Jordan, Christelle Varin, Adrien Fernique, Fabrice Grandineau, Alice Lamy), Maren Levin, stagiaire aux Archives, Jonathan Derhan et Marjorie Galelli, étudiants en master histoire, Malou Schneider, conservateur honoraire du musée alsacien et Anne Laure Fabre, archiviste au centre de gestion du Bas-Rhin. Franck Burckel et Michael Martin, archiviste honoraire de la ville de Landau, ont apporté leur aide pour les expressions dialectales et militaires.
La traduction du journal a été réalisée pour la période juillet-septembre 1914 par Jonathan Derhan, pour la période octobre 1914-décembre 1917 par la société Nova Performance, pour l’année 1918 par Marjorie Galelli.



Le journal de Karl Weiske